Eléna M. Gariano

7 Juillet 1994 :

Elena est née en plein milieu de l’été, lors d’une après-midi très chaude. Son premier prénom est un hommage à sa grand-mère paternelle et Maria, son deuxième prénom, était le prénom de sa mère. Diego et Anna-Maria n’en étaient pas à leur premier enfant. De trois ans plus âgée que la petite princesse, Elvira était curieuse de savoir ce qu’était cette petite chose appelée sœur. Cependant, elle n’en fût pas jalouse et prit aussitôt soin d’elle, comme un trésor qu’on lui offrit.

Diego et Anna aimaient inconditionnellement leurs enfants et s’apprêtaient à leur donner autant d’amour que d’attention, ils étaient près à tous les combats pour faire de leur petite famille un refuge. Mais rien n’allait se passer ainsi, mais nous y reviendrons…

La troisième nuit à la maternité fut tourmentée par l’animation du personnel soignant, dans le calme de la chambre loin de se douter de ce qui venait de se produire, Ana dormait encore paisiblement, alors qu’à plusieurs rues de là dans une berline noire hurlait un enfant ballottant dans un simple panier fait pour les courses. L’homme au volant ne détachait pas ses yeux de sa route, alors qu’au sol la petite fille continuait inlassablement de hurler. Avait-elle simplement conscience qu’elle ne connaîtrait jamais ceux et celles qui lui avaient donné la vie ? Qu’elle ne connaîtrait jamais la douceur de la protection d’un frère aîné aimant ? Cela même l’enfant ne pourra jamais vous le dire. Car ce n’est pas d’Elena qu’il s’agit là, mais du sort d’un autre nouveau-né dans un Mexico enclin à la délinquance, au trafic d’enfants, comme de drogue, à un Mexique loin des folklores, des beaux hôtels luxueux des vacanciers, cet événement fut la ligne directrice de l’assurance parentale que leurs filles ne devraient jamais sortir de leur cocon sécuritaire avant d’être armées face à un tel monde.

L’affaire passa dans le journal, elle fit la une un temps, puis doucement les choses s’oublièrent, d’autres crimes prenant le pas sur ce bébé disparu et enlevé au cœur même de la maternité…

C’était un foyer aimant et que tout le monde appréciait, dans la banlieue moyenne de Mexico, non loin des favelas, mais relativement calme, Diego Delgado était le propriétaire d’une épicerie de renom et sa jeune et jolie femme de dix ans sa cadette au doux prénom d’Anna-Maria était heureuse en mariage, fière maman de deux petits anges, honorable femme au service de sa paroisse, fervente croyante, à l’emploi du temps des plus remplis entre les repas aux moins chanceux, les réunions de l’église pour la restauration la foi dans les favelas, l’éducation des deux princesses aux côtés de sa belle-mère qui l’aidait grandement.

Deux vies bien remplies, mais il faut tout avouer qu’ils étaient suffisamment organisés pour concilier leur travail et leurs devoirs parentaux auprès des deux jeunes enfants. La famille s’était établie là peu après la naissance d’Adela. Peu d'événements marquants et tristes venaient perturber le train-train quotidien de la famille Gariano : des dents de lait à arracher pour Ady, un bras cassé suite à une mauvaise chute en danse pour Ely, un petit séjour à l’hôpital pour la grand-mère de la famille et le parrain de la petite qui venait leur rendre régulièrement visite et qui avait un peu fait parler de lui en se prenant une balle suite à une tentative de braquage où il avait arrêté l’agresseur, quelques rhumes, grippes et autres allergies pour Anna-Maria. Néanmoins, en milieu de première année de collège, la petite vie rose d’Ely prit un autre tournant. Un nouvel élève venait d’arriver : casse-cou, perturbateur, insolent et pickpocket, il n’épargna pas la jeune fille qui ne voulait pas lui donner ce qu’il demandait. Elle récolta quelques bleus, mais ne le dit jamais, ni à ses parents, ni à sa grand-mère, pas plus à son parrain, au lieu de cela elle encaissa.

Ce fût lorsque les beaux jours arrivèrent, aux alentours de mai, qu’Ady découvrit le pot-aux-roses : sa sœur avait mis un gilet alors qu’il y avait un soleil radieux et une température digne d’un mois d’août. Elle l’attrapa, tirant un peu sur le bras de la brunette qui grimaça sous la douleur, pour lui retirer le gilet. Elena raconta tout à sa sœur et cette dernière fit appel à son petit ami secret, qui venait la retrouver depuis quelques mois pendant qu’elle conduisait Elena au cours de théâtre, à la chorale de l’église ou au club d’archéologie. Elena appréciait le jeune homme, sa sœur était radieuse à ses côtés, Carlos tenta d’apprendre à la petite à se défendre face au jeune homme. Mais l’entraînement ne servit à rien car le jeune homme quitta l’établissement scolaire à la fin du mois. Deux mois plus tard ce fut Ady qu’elle trouva à faire ses valises au cœur de la nuit, trop jeune pour l’assentiment parental, elle s’envolait avec Carlo, Ely trouvait fou et tellement romantique l’acte de son aîné qu'elle accepta de la couvrir en annonçant au matin qu’elle l’avait vue partir plus tôt pour passer le lycée…

Le roue tourne :

Cet été là, la famille Gariano tenta de retrouver l’aîné, il interpella les autorités qui ne firent rien, ils ne se sentirent jamais aussi impuissants, Elvira avait seize ans, Elena tout juste treize ans et c’était la première fois que les deux sœurs se trouvaient séparées. Trois semaines de silence ou de tout son cœur la cadette souhaitait que le bonheur à son aîné, elle ne révéla jamais son implication à ses parents, honte, peur, un peu tout à la fois sûrement. Trois semaines d’attente et une lettre arriva chez Lola sa meilleure amie, une simple lettre d’excuses, remplie d’émotion, où la jeune adolescente exprimait toute la profondeur de ses sentiments pour Carlos, une lettre où elle annonçait son attention de l’épouser, où il jurait en quelques lignes paraphées qu’il prendrait soin d’elle.  

Au début Diégo repoussa le choix de son aînée, mais rapidement sa femme lui rappela le commandement le plus important de la bible à savoir le pardon et le doute qu'on les enlevés elle aussi comme le bébé de la maternité par le passé. Il fallut cependant des mois avant qu’il ne s’incline et accepte des mois sans nouvelles ou Ely silencieuse tenais promesse et tenter de les rassurée a demi mots, recevant de son coté des nouvelles régulières assurant que sa sœur était heureuse, établie aux États-Unis. Les années qui suivirent ne furent plus aussi douces au cœur de la maison, plus question que cela se reproduise, le père resserra sa vigilance, ordonnant à sa femme de jouer les chauffeurs pour leur cadette, des années sous haute surveillance où elle eut la sensation de vivre en prison, la chambre de sa sœur inviolée était avec le temps devenue un temple, un mausolée où seules une bougie venais repoussais l'absence sur le bureau de la jeune fille, mois après mois, les adresses changeaient pour les réponses, puis avec le temps les nouvelles se firent moins précises, plus éparses, jusqu’à l’an passé où plus une lettre ne leur parvint. Un an durant le quel Ely et Anna-Maria composèrent l’utopique espoir d’avoir des nouvelles de Chicago, dernier lieu de résidence d’Adela. Un an qui changea l’idée d'étudier au Mexique pour Ely et enclencha une demande de bourse, une demande de visa et enfin les précieux sésames de Université de Saint John face aux bonnes notes et mentions de la jeune fille.

Un an où Anna-maria travailla son époux pour laisser leur cadette suivre sa route, ou même la grand-mère aida à cela, un an de crainte, de doutes, et enfin le départ…

Le seul événement qui perturba la famille après le départ de l’aînée fut donc le départ d'Ely. Elle était en dernière année du secondaire et avait été acceptée à Saint John dans la section archéologie. Entre le déménagement, l’appartement et les frais d’inscription de la faculté, la bourse, les parents décidèrent de pousser Ely à se trouver un travail une fois sur place, d’autant que bien que plié aux femmes de la famille, Diego ne voyait pas d’un bon œil de laisser sa fille seule dans une aussi grande ville. Contre toute attente la jeune femme se plia et trouva un petit travail comme réceptionniste à la central des appel d'urgence. Entre son emploi à mi-temps, les études et les recherches de sa sœur, elle dut faire une croix sur ses activités extra-scolaires, mais c’était pour elle un défi et il n’était pas question de revenir chez elle avec un échec. Elle ferait tout pour y arriver, un an qu’elle placardait des photos, de rendez-vous aux archives consultables des journaux locaux, qu’elle écumait, même le poste de police pour consulter avec l’aide des associations qu’elle avait rejoint les dossiers ouverts au grand public… un an, mais rien, où étais Ady…