Kieran Christopher

C’était un matin froid où la neige volait partout dans le jardin. Enfin si on peut appeler jardin les deux mètres carrés de grillages et de bordel derrière le taudis qu’il habitait avec sa mère. Il se souviendra de cette scène toute sa vie comme un nuage flottant devant ses yeux dès qu’il devient mélancolique. Il avait alors douze ans, sa mère préparait le petit déjeuné. Il n’avait pas école mais était déjà réveillé de puis un bout de temps. Dormir n’était pas pour lui. Il aimait affronter le froid de l’hiver bien que sa mère râlait à longueur de temps pour qu’il s’habilla plus.
Il était en train de shooter dans les boites de conserves collées contre le grillage avec des cailloux lorsqu’il avait entendu la voiture déraper.  Avec sa curiosité infantile, il se leva et s’approcha de la maison voisine où la folle habitait. Il ne connaissait pas son nom mais sa mère lui demandait de lui dire bonjour et de partir. Elle faisait beaucoup de bruit aussi. Aujourd’hui, elle descendait de sa voiture, une petite fille à la main. Elle la tirait sans ménagement et Kieran eu un pincement au cœur sans savoir pourquoi. Peut-être la cruauté de la situation vue avec ses petits yeux d’enfant. La petite fille était emmitouflée avec plus de couche que ce qu’elle ne nécessitait en réalité. Ses yeux étaient rougis et humide. Elle se mordait la lèvre inférieure mais suivait la folle avec une dureté dans le regard, une détermination à faire flancher une barre de fer. Kieran ressentit dans son petit cœur une admiration nette pour cette petite fille qu’il ne connaissait pas encore mais qui deviendrait sa vie plus tard.

Kieran eu une enfance plutôt banale pour le quartier dans lequel il vivait. Un père absent comme beaucoup d’enfant à son école mais une mère aussi douce que la soie et gentille à mourir. C’est d’ailleurs bien ces deux qualités qui furent ses plus grands défauts. Elle enchaina les mauvaises aventures, cédant trop vite à de bonnes paroles ou à un homme un tantinet attentionné. Elle les ramenait à la maison et ça ne se passait pas toujours bien pour elle et pour Kieran. Beaucoup buvaient, certains levaient la main sur eux. Mais Hanna fut la plus protectrice des mères et prenait les choses en mains dès qu’elle le pouvait pour protéger son fils. Kieran aimait sa mère d’un amour inconditionné. Il la respectait e décida de la respecter à jamais.

En grandissant, Kieran receler une colère de l’injustice qu’il voyait sévir dans son quartier, entre les copains de sa mère et la folle qui maltraitait sa meilleure amie Sam. Il se mit en tête d’être champion de boxe. Et c’est ainsi que Ivan le prit sous son aile et lui appris à partir de ses 13 ans comment se défendre tout en se défoulant.
Un soir, en rentrant, les coups pleuvaient sur sa mère en pleur et en sang, à la limite du conscient pour une histoire de bière pas fraiche. Kieran ne réfléchit pas, immobilisa le bras qui frappait avec tant de vigueur celle qu’il aimait si immensément et le défonça. Sa mère le contempla faire, calme et sereine. Aucun dégout dans ses yeux, juste un amour inconditionné. Il écopa de deux ans en juvénile qu’il passa avec brio, surtout avec les contacts d’Ivan et sa carrure.
Avec sa détermination en grandissant, il devint très fort. Mais pas de là à en faire son métier. Alors il s’épencha sur sa deuxième passion : les voitures et les motos. Très vite il dénota de grands talents dans la mécanique et Ivan usa de ses contacts pour le former auprès de la pègre qui avait besoin de jeunes. A partir de là tout dégénéra.

La course devint une addiction. L’adrénaline sa coke. Il voyait Sam et la suivait partout. Il la suivait pour faire pareil, mais maintenant il se demande s’il ne la suivait pas pour la protéger, des autres mais surtout d’elle-même. Il savait qu’elle n’écoutait plus les paroles depuis longtemps. Alors il avait décidé d’être son ombre. En grandissant il avait tendu son épaule pour ses malheurs, ouvert ses oreilles pour l’écouter et prit sa voix la plus douce pour la rassurer. Ils étaient bien plus qu’ami, ils étaient frère et sœur. Ou irait-il même jusqu’à âme sœur. Attention, rien de sexuel. C’était sa protégée. Il avait pour elle le genre d’amour qu’il portait à sa mère. Le regard qu’il portait sur sa demi sœur née bien après d’un beau-père tolérable.
Bien que Sam se limitait aux courses, Kieran touchait à tout. Les drogues, l’alcool, tout.
Et puis Sam s’éloigna. Oh oui bien sûr, elle venait toujours pleurer, parler et l’écouter, mais elle avait dans la tête de faire des études, de devenir quelqu’un de grand et de sauver des vies. Kieran l’admirait encore plus pour ça mais aussi craignait de la perdre. Madame trainait avec des « docteurs » maintenant. Il avait peur qu’il ne soit plus assez. Plus assez intelligent, plus assez intéressant… Et cela se confirma avec le début de sa folle relation. Est-ce qu’elle cherchait à remplacer un père absent en sortant avec un homme marié ? Est-ce qu’elle voulait prouver qu’elle que chose à sa mère ? C’était réussi ! Divorcé, tu parles ! Il n’allait jamais divorcer et aller lui briser le cœur. Kieran ne dit mot de ses doutes et resta là à l’écouter. Même quand l’ex revint, il resta là. Espérant au fond de lui qu’elle lui reviendrait comme avant.
Et puis un jour Kieran compris. Il fallait arrêter les conneries et l’apitoiement. Kieran se fit surnommer « Chris » par ses amis en l’honneur de Christopher Cant le tristement célèbre coureur, mort en ayant raté un virage, pris conscience de son potentiel auprès des femmes et délaissa son intérêt pour cette femme qui ne le voyait même pas. La drogue et l’alcool redoublèrent d’intensité dans son organisme, de même que ses activités illégales au sein du gang. Il gardait bien sûr son garage qui marchait très bien. Puis Sam partie. Enceinte. Chris fit mine de continuer sa vie, ce qu’il fit en pratique. Il alla au Canada lui rendre visite plusieurs fois et tomba amoureux de la petite créature qu’elle avait mis au monde.

A son retour, il n’était pas question qu’elle aille ailleurs que chez lui. Chez eux. La petite était comme sa fille. Il aime toujours la couvrir de cadeaux et d’affection. C’est la seule personne avec laquelle il se laisse vraiment aller à rire, à chatouiller, à redevenir enfant et affectueux. L’inconvénient est qu’il a dû évacuer toute drogue de la maison – sauf la beuh dans sa chambre à lui. Toute affaire illégale également. Et puis fini les filles à moitié à poil. Ais de toute façon il se sent immensément gêné devant Sam. Jamais il ne ramènera une fille devant elle. Lorsqu’il la voit débouler dans le salon, toute ébouriffée en cherchant le cartable de la petite une bouffée d’émotions lui tord le ventre. C’est à n’y rien comprendre. Il le sait, elle n’est pas intéressée, elle a trop de problèmes à gérer. Et puis elle est avec Steve, son meilleur pote. Il ne lui ferait jamais ça. Et puis dans tous les cas, lui non plus ne ressent rien, c’est juste son instinct de protection ! Son affection pour elle ! Son âme de grand frère… Enfin en est-il sûr ? Pourquoi est-il aussi jaloux et possessif alors ?